Les environnements de haute montagne représentent des défis majeurs pour les sportifs et les alpinistes. En raison de la diminution de la pression partielle en oxygène, du froid intense et de la difficulté d’approvisionnement, l’organisme doit développer des mécanismes d’adaptation complexes. L’objectif de cet article est de fournir une compréhension approfondie des effets de l’altitude sur le corps humain, ainsi que des recommandations nutritionnelles pour assurer une performance optimale et réduire les risques liés à ces conditions extrêmes.
Classification des montagnes selon l’altitude
La montée en altitude s’accompagne de modifications physiologiques importantes. Toutefois, les effets de l’altitude ne sont pas identiques à toutes les hauteurs. Il est donc essentiel de comprendre les différentes classifications des montagnes en fonction de leur altitude pour mieux évaluer les besoins physiologiques et nutritionnels.
Les trois types de montagnes
- Basse montagne (< 1000 m) : les effets sur l’organisme y sont généralement minimes.
- Moyenne montagne (1000 à 2000 m) : les premières adaptations physiologiques commencent à apparaître, notamment une légère augmentation de la fréquence respiratoire et cardiaque.
- Haute montagne (> 2000 m) : les effets physiologiques deviennent marqués, avec une diminution significative du VO₂max et une augmentation importante de la dépense énergétique.
Effets de l’altitude sur l’organisme
En haute montagne, l’organisme doit faire face à une hypoxie relative, c’est-à-dire une diminution de la disponibilité de l’oxygène due à la baisse de la pression atmosphérique. Cette hypoxie entraîne des adaptations physiologiques à court, moyen et long terme. Comprendre ces adaptations est crucial pour anticiper les besoins énergétiques et nutritionnels.
Adaptations physiologiques
À court terme
- L’organisme réagit rapidement en augmentant la fréquence respiratoire et cardiaque pour compenser la baisse de l’apport en oxygène.
- Cette hyperventilation permet de maintenir un niveau d’oxygénation suffisant, mais au prix d’une augmentation de la dépense énergétique au repos.
À moyen terme
- L’érythropoïèse (production de globules rouges) augmente afin d’améliorer la capacité de transport de l’oxygène dans le sang.
- La fonte musculaire peut survenir en raison de l’augmentation du métabolisme basal et de la difficulté à maintenir un apport calorique suffisant.
Conséquences sur la performance
La diminution du VO₂max est proportionnelle à l’altitude : à 8000 mètres, le VO₂max peut être réduit de 70 %, ce qui signifie que les efforts, même modérés, deviennent rapidement épuisants.
Deux facteurs principaux expliquent cette hausse de la dépense énergétique
- La difficulté accrue des exercices physiques.
- La baisse des températures, qui entraîne une stimulation du métabolisme pour maintenir la chaleur corporelle.
Effets de l’altitude sur les filières énergétiques
L’altitude modifie profondément le fonctionnement des filières énergétiques. Les conditions hypoxiques limitent la capacité oxydative des muscles, augmentant la sollicitation des mécanismes anaérobies, même pour des efforts d’intensité modérée.
Modifications métaboliques
On retrouve deux modifications majeurs.
- Réduction de la capacité oxydative : à partir de 1000 à 1500 m d’altitude, l’oxygène disponible est insuffisant pour maintenir une oxydation optimale des substrats énergétiques.
- Augmentation de la consommation de glycogène : bien que les acides gras soient les substrats privilégiés pour les efforts de longue durée, la baisse du VO₂max favorise une consommation accrue de glycogène. À 8000 m, un exercice représentant 33 % de la PMA au niveau de la mer atteint 90 % de la PMA.
Conséquences du froid sur la mobilisation des substrats
Le froid intensifie la vasoconstriction des tissus cutanés et sous-cutanés, limitant l’accès aux acides gras libres stockés dans ces zones. Cela augmente la dépendance aux glucides, mettant les réserves de glycogène à rude épreuve. En conséquence, les risques d’épuisement et d’hypoglycémie augmentent, de même que le risque d’hypothermie.
Mal Aigu des Montagnes (MAM)
Le mal aigu des montagnes (MAM) est une pathologie fréquente chez les alpinistes et les sportifs évoluant en altitude. Il peut survenir rapidement et compromettre la santé ainsi que la capacité de progression. La prévention et la gestion de ce syndrome sont essentielles pour la sécurité des expéditions.
Causes et symptômes
Le MAM peut apparaître dès 1800 m, selon plusieurs facteurs :
- La vitesse d’ascension.
- L’altitude atteinte.
- La sensibilité individuelle.
Les principaux symptômes incluent :
- Maux de tête.
- Nausées et vomissements.
- Dyspnée.
- Troubles du sommeil.
Prévention
Pour limiter les risques :
- Ne pas dépasser 300 m d’ascension par jour au-delà de 3000 m.
- Envisager une acclimatation progressive pour les altitudes supérieures.
Adaptations nutritionnelles
En altitude, l’appétit diminue souvent, tandis que les besoins énergétiques augmentent fortement. Il devient donc primordial d’adopter une stratégie nutritionnelle adaptée pour éviter les déficits énergétiques et préserver la masse musculaire.
Stratégies nutritionnelles
Il faut toujours réévaluer sa stratégie nutritionnelle en fonction de l’activité.
- Maintenir un apport élevé en glucides : ils doivent représenter au moins 60 % de l’AET, car leur oxydation nécessite moins d’oxygène que celle des lipides ou des protéines.
- Augmenter l’apport hydrique : en raison de la sécheresse de l’air en altitude, les besoins en eau peuvent augmenter d’un litre par jour, les boissons énergétiques sont intéressantes
- Privilégier les aliments légers et faciles à préparer : les aliments lyophilisés ou déshydratés sont souvent les meilleurs choix en expédition.
Expéditions en haute montagne
Lors des expéditions prolongées en haute montagne, la combinaison de l’altitude, du froid et des efforts physiques intenses entraîne une perte de poids significative, parfois difficile à compenser. Comprendre les mécanismes impliqués permet de mieux anticiper les besoins nutritionnels.
Il y a des adaptations spécifiques à mettre en place
- À moins de 5000 m, l’augmentation de la dépense énergétique peut atteindre 6 %, avec une baisse de l’appétit de 35 à 40 %.
- Au-delà de 5000 m, une perte de poids de 4 à 8 % peut survenir sur des séjours de 6 à 8 semaines, principalement sous forme de masse grasse et de masse musculaire.
Recommandations Pratiques
Pour optimiser les performances et limiter les risques, il est essentiel d’adopter une approche proactive en matière de nutrition et d’hydratation.
- Maintenir un apport glucidique élevé, avec des prises fréquentes de 25 à 40 g de glucides par heure d’effort.
- Consommer 3 à 5 L d’eau par jour pour compenser les pertes hydriques.
- Tester les aliments en condition avant le départ pour garantir leur tolérance.
- Éviter les boissons alcoolisées, qui augmentent le risque de déshydratation.
- Surveiller les apports en fer et en antioxydants pour soutenir la production de globules rouges et lutter contre le stress oxydatif.
Conclusion
L’altitude impose des contraintes physiologiques et nutritionnelles importantes. En comprenant les mécanismes d’adaptation et en adoptant des stratégies nutritionnelles appropriées, il est possible de maintenir la performance et de minimiser les risques lors d’expéditions en haute montagne. Une préparation minutieuse, tant sur le plan physique que nutritionnel, constitue la clé du succès en milieu extrême.
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